mardi 18 mai 2010

L'Allemagne et la crise Grecque

Ce texte du Monde de Michel Aglietta met l'Allemagne en cause dans la crise financière de la Grèce:

"C'est, en effet, l'un des résultats les mieux établis de la macroéconomie internationale qu'une union monétaire ne peut fonctionner sans mécanisme de coordination budgétaire. L'Allemagne a imposé de passer outre et de remplacer la nécessaire solidarité par une règle uniforme de restriction budgétaire, le fameux pacte de stabilité, qui est arbitraire et insensible au contexte économique."
En clair, la crise est la faute au pacte de stabilité qui dit:
- 3% du PIB de déficit budgétaire annuel au maximum,
- 60% du PIB de dettes au maximum.

La Grèce est-elle en crise car elle a trop bien respecté ce pacte? Non, son déficit en 2009 fut de 13.6% (au lieu de 5% annoncés)!! Et ses dettes seront de 120 % en 2010!!

Sa crise vient justement du fait que la Grèce ne respectent pas les règles du Pacte de Stabilité. Si son budget était plus proche de l'équilibre, elle ferait moins de dettes et ses créanciers ne douteraient pas de sa capacité de remboursement. C'est d'une telle évidence que je m'excuse de devoir écrire cela pour contredire cet 'économiste' (et il n'est pas le seul à penser ainsi!).

Le manque de courage politique et surtout l'enfermement de l'Allemagne dans son splendide égoïsme ont conduit à clamer pendant des mois : "pas de défaut, pas de sauvetage, pas de sortie de l'Union économique et monétaire".
L'égoïsme est donc de refuser de payer quand un autre pays souverain truque ses comptes, outrepasse les règles communes et dépense sans compter. La Grèce a enfreint le pacte, l'Allemagne doit payer. Selon quelle logique?

Or la réponse politique la plus prudente, donc la plus raisonnable au sein d'une crise globale, mais aussi la plus juste, était de reconnaître la nécessité d'une restructuration de la dette grecque et d'organiser un plan dès le dernier trimestre 2009. Car un plan de restructuration permet de diminuer le coût d'un défaut s'il se produit.
J'adore les économistes qui arrivent à prévoir le passé. Sachant ce que l'on sait maintenant, il est clair qu'on aurait du faire quelque chose 'dès le dernier trimestre 2009' et même avant d'ailleurs. Les Grecques auraient même pu dépenser et emprunter moins dès le début 2009 s'ils avaient su ce qui les attend! Là, c'est le prix Nobel qui m'attend!

La contagion s'est enclenchée à l'encontre des titres de la dette publique des pays les plus fragiles (Portugal, Espagne) ou déjà les plus endettés (Italie) de la zone euro avec la complicité active des agences de notation, soucieuses de ne pas répéter leur performance désastreuse dans la crise des subprimes.
Il n'y a pas 'contagion' si le pays est déjà malade! J'aime bien aussi l'utilisation de 'complicité'. Les agences de notation sont donc coupables, elles aussi, comme l'Allemagne, de dire qu'un pays qui est en déficit excessif et endetté court un plus gros risque de faillite! Pour l'instant, les Etats dépensiers sont les victimes de cette crise.

Les pays de la zone euro se trouvent devant une contradiction insoluble s'ils ne modifient pas leur approche de la politique économique. Dans leur recherche historique Carmen Reinhardt et Kenneth Rogoff ont trouvé qu'un seuil critique existe aux environs d'une dette publique qui atteint 90 % du PIB. Au-delà de ce seuil, la croissance tendancielle ultérieure est la moitié de ce qu'elle était avant la crise qui a fait augmenter la dette. Une majorité de pays de la zone euro aura atteint ou dépassé ce seuil dès la fin 2011.

Mais certains pays de l'espace d'influence germanique, les Pays-Bas, l'Autriche et au premier chef l'Allemagne, seront en dessous de ce seuil. La prise en compte de l'intérêt collectif de la zone euro, comme étant la mieux à même de satisfaire son propre intérêt, voudrait que le groupe des pays dont la dette publique n'est pas critique mène des politiques de soutien de la demande.


Rappelons que si certains pays dépassent ce seuil de 90%, c'est car ils ont mené une politique de soutien à la demande!! Or, visiblement, cela n'a pas soutenu grand chose et les a mené vers la faillite. Et si le seuil critique est 90%, la prudence (ou le fameux principe de précaution), ne voudrait-il pas qu'on se limite à 60% (comme dans le pacte). Or, même l'Allemagne dépasse ce seuil!
On sent que ces économistes Keynesiens ne sont pas prêts à abandonner leur idée de croissance par le déficit. Si cela n'a pas marché jusqu'à 60%, cela ne marchera pas au-delà!


Au contraire, ce que signifie la révision du pacte de stabilité, c'est la compression généralisée des dépenses publiques menant à la déflation compétitive.

C'est l'extension à toute la zone euro de la politique que l'Allemagne a suivie depuis les réformes Schröder du début des années 2000.

Cette politique lui a permis de soutenir son économie par l'excédent extérieur réalisé sur le dos de ses partenaires européens (75 % des excédents de 2008 étaient sur l'Europe, selon la Bundesbank), en profitant de l'orgie d'endettement privé dans les pays qui ont encouragé la spéculation immobilière par tous les moyens.
Cela serait le rêve si l'Allemagne avait comprimé ses dépenses publiques. Or, ce n'est pas le cas. L'Allemagne est aussi en déficit de plus de 3%. C'est juste moins pire qu'ailleurs. Secondo, l'Allemagne a une économie compétitive et des produits de qualité qui se vendent bien dans le monde. Elle vend ce qu'elle produit contre de la monnaie. Dans une économie libre, l'acheteur et le vendeur font une bonne affaire. Ici, on lui reproche son succès. C'est mesquin et donne une vision gagnant/perdant de l'économie, alors que dans l'échange les 2 parties sont gagnantes.

Si aucune composante de la demande interne ne soutient la croissance, la politique de consolidation des finances publiques est vouée à l'échec, sauf si la demande externe est capable de prendre le relais.
Oui, avec un endettement maximum, on ne peut plus soutenir la demande artificiellement. On peut compter sur la demande externe (asiatique et américaine), mais cela reste une approche passive. Le mieux, pour stimuler la croissance en Europe, c'est de stimuler l'investissement et donc l'offre dans le secteur privé. La bonne nouvelle, c'est que c'est tout à fait compatible avec des politiques dites de 'rigueur'.

lundi 17 mai 2010

Merci les marchés et vive la rigueur

Article sympa et inhabituel dans le Monde. Les lecteurs ont d'ailleurs du mal à supporter sa lecture. Et pourtant, il contient une jolie perle qui devrait plaire:
"La rigueur, alors que l'économie mondiale sort tout juste du coma, ce n'est certes pas une très bonne nouvelle pour la croissance, surtout dans des pays, comme la France, où la dépense publique et les transferts sociaux la soutiennent à bout de bras."
Au bout du bras de l'Etat dépensier, on trouve un nageur que l'Etat garde sous l'eau 56% du temps, l'empêche de respirer, d'accumuler des forces...

Si la crise grecque devait effectivement aboutir à des réduction de dépenses dans certains Etats européens, on risque fort d'y observer ce 'paradoxe' que j'observe depuis plus de 10 ans en Asie: quand les dépenses de l'Etat sont faibles, la croissance de l'économie est forte!